Dans le dernier numéro de Colombiculture (235) encore, la SNC affirme son soutien loyal aux réformes en cours à la SCAF.
Aujourd’hui, elle est pourtant en situation d’annoncer son retrait de la Confédération.
C’est contre son gré et le Conseil d’administration s’en explique.
Une situation de départ moralement inacceptable
Jusqu’en 2017, le financement de la SCAF se caractérisait par une inégalité entre ses membres qu’on pourrait qualifier de moralement inacceptable.
S’agissant des associations, une partie seulement d’entre elles payaient une cotisation. Par un accord signé en 2006 entr
e Marcel Chastang, président, et Gaston Harter, alors que les associations du reste de la France payaient 35 € plus 0.35€ par adhérent, il était accordé à la fédération Alsace Moselle de ne payer en tout et pour tout que 114 € pour ses (à l’époque) 226 associations. Un cadeau de près de 8000 € annuels, contraire au règlement intérieur. S’appuyant sur ce précédent, l’Union des Sociétés Avicoles du Sud Ouest (USASO) a incité aussi ses associations à ne plus payer de cotisation, se contentant également de verser 35 € plus 0.35 € pour chacune de ses sociétés membres. Les 10 000 € environ de recettes de la SCAF en provenance des cotisations étaient donc payées par les corps techniques et par une moitié seulement des associations avicoles de France qui réglaient leur dû conformément aux statuts, ignorant le plus souvent le passe-droit dont bénéficiait l’autre moitié avec l’aval du conseil d’administration.
Mais tout aussi difficilement admissible, la part la plus importante du financement de la SCAF reposait (plus de 50 000 €) sur un prélèvement sur les bagues, et donc sur les éleveurs de pigeons et volailles, aucune redevance n’étant perçue sur les certificats de tatouage des lapins et les pastilles des cobayes.
Sans l’action de la SNC, la situation serait toujours la même à ce jour.
La réforme du financement. La réforme des statuts.
A partir de 2014, la SNC s’est investie dans la réforme du financement de la SCAF, annoncée depuis des années mais jamais aboutie. Elle l’a fait en défendant deux principes essentiels :
- L’équité entre les régions et entre les corps techniques,
- La limitation au strict nécessaire de la contribution qu’on demande aux éleveurs.
Après des mois de discussions et de travail, le CA et l’AG de la SCAF ont validé finalement un système équitable.
- Chaque union régionale paie pour ses associations 2 € par adhérent.
- Chaque « corps technique » paie 0.05 € par support d’identification, qu’il s’agisse de bague, certificat de tatouage ou pastille.
Par ailleurs, la réforme des statuts et la révision du règlement général des expositions ont acté le fait que la gestion de l’identification est l’affaire des corps techniques. Ceci correspond à ce qui est prévu au niveau de l’Entente Européenne qui donne l’exclusivité du logo EE obligatoire sur les bagues à ses membres que sont la FFV et la SNC. Par ailleurs, la Fédération Française de Cuniculture (FFC) et la Fédération des Associations d’Eleveurs de Cobayes (FAEC) gèrent depuis toujours leur système d’identification en toute autonomie. Cependant l’existence d’un groupement d’achat au niveau de la SCAF pour les bagues a parfois conduit à oublier ce principe d’indépendance pour les volailles et les pigeons.
Dans les textes de base réglementant l’aviculture française, les choses sont claires
Article 2 des statuts de la SCAF.
« Tous les animaux, présentés dans les concours et expositions patronnés par la S.C.A.F.-Confédération doivent être obligatoirement identifiés selon les préconisations des corps techniques.
La S.C.A.F. Confédération est garante de l’identification des animaux de basse-cour. La gestion en incombe aux corps techniques selon les conventions établies. »
Article 11 du règlement général des expositions.
« Ne peuvent être exposés et jugés que les animaux porteurs d’une identification homologuée par :
- la Société Nationale de Colombiculture (SNC) pour l’espèce pigeon ;
- la Fédération Française de Cuniculiculture(FFC) pour l’espèce lapin ;
- la Fédération Française des Volailles (FFV) pour les espèces gallinacés et palmipèdes ;
- la Fédération des Associations d’éleveurs de Cobayes et autres Rongeurs (FAEC) pour l’espèce cobaye,
La Société Centrale d’Aviculture de France (SCAF) est garante de l’utilisation de ces dispositifs d’identification dans toutes les expositions qu’elle patronne.
Les juges ont l’obligation de vérifier et d’écarter tout sujet non identifié ou porteur d’une identification autre que celle mise en place par les corps techniques nationaux et garantie par la SCAF.
La SCAF et les corps techniques ont toute liberté de vérifier après coup l’identification des animaux, et réagir si nécessaire, en portant les éléments devant le Conseil de discipline de la SCAF. »
Le revirement incompréhensible de la SCAF
A l’occasion d’une renégociation en septembre 2017 du prix des bagues avec le fabricant, il a été possible de voir quel cas la SCAF fait de ses propres statuts et règlements.
Sur demande de la SNC, suite à la décision du CA de la SCAF de septembre 2016, et suite à une lettre du président de la SNC pour faire respecter cette même décision, le contrat a été revu à la baisse en septembre 2017, avec effet à partir de 2018.
Mais bien qu’il soit clair que chaque corps technique ne doive à la SCAF qu’une cotisation de 0.05 € par support d’identification et bien que le budget prévisionnel ait été bâti sur cette base, la SCAF s’obstine à facturer à la SNC les bagues sur un prix qu’elle n’a pas payé (0.085€ au lieu de 0.053€). Comme ce surplus ne peut correspondre à une cotisation, il est clair qu’il s’agit d’un bénéfice que la SCAF veut engranger sur les bagues comme au bon vieux temps.
Au cours des discussions déroulées depuis début 2018, la SNC a toujours refusé de céder sur le principe d’équité entre corps techniques – plus question de payer à nouveau une cotisation supérieure à celles des autres – mais s’est déclarée prête à financer sur la somme en litige des projets communs présentés par la SCAF utiles à tous les éleveurs (voir annexe 1, courrier du président de la SNC ci-joint). Aucune proposition ne lui a été présentée. La SCAF a affirmé au contraire sa volonté de faire main basse sur les bagues : blocage de la commande complémentaire d’avril 2018, exigence du paiement à l’avance d’un prix supérieur à celui du fabricant pour prendre en compte la commande 2019.
La SNC peut-elle accepter qu’à tout moment les éleveurs de pigeons puissent être pris en otage et que ses droits soient ainsi bafoués ? La SNC n’est pas une section de la SCAF. Elle est un membre à part entière de la Confédération auquel les règlements européens et nationaux reconnaissent la responsabilité de représentation des colombiculteurs français et la gestion des moyens d’identification des pigeons.
Elle n’avait plus qu’une solution, se retirer de l’accord d’achat des bagues avec la FFV au sein de la SCAF et faire jouer son droit à l’exclusivité sur le logo EE vis-à-vis du fournisseur.
Un retrait forcé
Les statuts de l’Entente Européenne sont clairs :
Article 6.6 : « Si plusieurs divisions nationales sont regroupées au sein d’une fédération faîtière dans leur pays, ces divisions restent prioritaires s’agissant de leur affiliation à l’EE. Elles désigneront leurs délégués. ».
C’est la SNC qui est membre de l’EE et non la SCAF : Les années où la SCAF a fait un versement à l’Entente Européenne, elle est apparue dans les comptes seulement à titre de sponsor.
Article 3.13 « Le logo EE est mis gratuitement à disposition du fabricant spécifié par les pays membres à la demande écrite des associations membres. »
Là aussi les choses sont claires. Le droit d’utilisation du logo EE appartient à la SNC.
Cependant il n’est pas si facile même dans nos pays démocratiques de faire reconnaître ses droits. A la grande déception de la SNC, le président de l’Entente, a ajouté une condition supplémentaire, qui ne repose sur aucun règlement, pour transférer l’exclusivité du logo EE à la SNC : que celle-ci ne fasse plus partie de la confédération faîtière que constitue la SCAF.
C’est sous cette contrainte ultime (et non statutaire) que le CA du 9 juin 2018 a décidé de quitter la SCAF si celle-ci s’obstinait dans son déni des droits de la SNC. Après le CA de la SCAF du 23 juin, le président de la SNC Anthime Leroy a confirmé ce retrait (voir annexe 2, courrier joint).
La suite
Suite au retrait de la SCAF, le président de l’EE a validé le 11 juillet 2018 auprès du fabricant de bagues la disposition du logo EE pour la SNC.
La SCAF ne peut donc plus commander pour le compte de la FFV que des bagues volailles, sans la lettre P pour les pigeons et tourterelles.
Il est à espérer que la FFV qui dispose pour les volailles de l’exclusivité du logo EE ne tolèrera pas que ses bagues soient utilisées pour tenter de déstabiliser un autre corps technique.
A espérer aussi que la SCAF reconnue d’utilité publique depuis 1919 et garante auprès des pouvoirs publics, d’après les textes, de la mise en œuvre des systèmes d’identification homologués par les corps techniques, sera digne de sa mission.
Une partie des membres du CA de la SCAF ont toléré les injustices évoquées plus haut et voté les textes de base actuels. On aimerait être sûr qu’ils se ressaisissent et ne lancent pas l’aviculture française dans l’aventure. Pour récupérer les 12 000 € de cotisation que la SNC a versés à la SCAF en 2018 au titre des bagues et qu’elle ne versera plus en 2019, mieux vaudrait appliquer les textes et demander à la SNC de reprendre sa place que de se lancer comme cela s’annonce dans une guerre des bagues.
Conclusion
Créée en 1903, la SNC, est avec la SCAF fondée en 1891 la plus ancienne structure avicole française existante. Toutes deux ont l’habitude de se côtoyer. Au cours de ces dernières années, l’équipe de la SNC s’est investie avec passion pour sauver ce qui pouvait l’être de l’Exposition européenne de Metz puis essayer de faire évoluer la SCAF afin de rétablir des normes justes de fonctionnement, de travailler sur des projets utiles à tous, de limiter les dépenses. Nous nous sommes toujours affirmés prêts à travailler avec tous sans tenir compte d’éventuelles dissensions personnelles. Mais il n’est pas possible d’accepter l’injustice et le refus du droit.
Entre 2012 et 2016, un recours devant le tribunal civil de l’ancien président de la SCAF contre le président actuel pour non respect des statuts a coûté 40 000€ à la SCAF en frais d’avocats et de procédures. La SNC n’a pas l’intention d’utiliser l’argent des éleveurs de cette façon. Elle préfère se tenir à l’écart de la Confédération tant que celle-ci refusera d’appliquer ses propres statuts.
Au sein du CA, nous évoquons régulièrement la devise donnée à la SNC par son fondateur Robert Fontaine : « semper recte ». Comme beaucoup de devises en latin celle-ci peut recevoir plusieurs traductions « toujours droitement », « toujours debout », « toujours droit devant » : toutes nous conviennent.